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Enfin ! Enfin j’ai l’occasion de vous parler d’un de mes groupes de Post-Black favoris. C’est 5 ans après leur dernière sortie chez Les Acteurs de l’Ombre que la confrérie lithuanienne d’Au-dessus revient avec ce nouvel opus sobrement intitulé « Mend ». Comme quoi, je ne suis pas le seul à me manifester uniquement de manière sporadique. Passons : j’ai toujours préféré la qualité à la quantité.
Alors oui, je sais, ce n’est pas la première fois que j’aborde l’œuvre des lithuaniens : j’en ai parlé dans ma présentation dès la genèse d’Ars-Goetia, et je vous en ai reparlé lors de ma dernière chronique sur le premier opus du groupe lillois Korsakov [A lire ici]. Mais si je ne taris pas d’éloges sur ce groupe, c’est parce que j’entretiens une relation très intense avec sa musique. End Of Chapter, sorti en 2017, a été l’album qui m’a fait entrer dans le genre du Post-Black et qui a ouvert les vannes à toute une série de découvertes qui ont forgé petit à petit l’identité musicale que j’ai aujourd’hui et que je continue à faire évoluer de jour en jour. Mais assez parlé de moi : entrons dans le vif du sujet.
L’EP de 5 pistes dépasse à peine les 25 minutes. Si le fan en moi espérait 1h30 de musique sur un double album concept, il faut rester réaliste et savoir mesure garder. La musique des lithuaniens est, par essence, sombre, enivrante et hypnotique. Une véritable invitation à l’introspection, si l’on est sensible à ce genre de sonorités. Le format reste donc cohérent et bien senti par rapport à ce que dégage le disque : une escapade aux confins de la conscience, concise mais complexe. On ne saurait s’approcher trop près du précipice, au risque d’en perdre l’équilibre. Sur la cover, une tête de statue grecque, parcourue par des fractures aux éclats d’or, perdue dans l’obscurité. Outre l’aspect esthétique, elle retranscrit l’ambivalence que j’ai toujours entendue dans la musique d’Au-Dessus, la lumière s’extirpant tant bien que mal d’un voile d’obscurité, offrant de nouvelles perspectives plus brillantes mais incertaines. Arrêtons de nous perdre dans des travers verbeux et pompeux qui commencent à me fatiguer moi-même tout autant qu’ils doivent être sinueux à la lecture et laissons place à la substantifique moelle de cette galette (sic.). Musique maestro !
Le disque s’ouvre sur la très atmosphérique piste « Negation I ». Les lithuaniens nous ont habitués à ce genre d’accents électroniques planants et mystérieux depuis la réédition 2018 de leur premier disque éponyme où ont été rajoutés presqu’autant d’interludes qu’il y a de pistes. Cette introduction se développe de plus en plus jusqu’à venir s’échouer sur le puissant riff d’ouverture du premier single extrait de « Mend » : « Negation II ». S’inscrivant dans la lignée des précédentes sorties du groupe, ce morceau reprend tous les gimmicks habituels du quatuor : voix d’outre-tombe s’offrant des percées torturées dans les aigus, juxtapositions de riffs mêlant habilement groove et mélodie, le tout solidement ancré sur les fondations offertes par une section rythmique droite et intransigeante, sans pour autant être mécanique. Et c’est bien dans cette veine que va se poursuivre l’EP, jusqu’à la dernière seconde, oscillant sans accroc entre passages méditatifs et accès de violence explosifs. On est donc dans le registre habituel des Vilnois, celui qui prend aux tripes et transporte l’âme. Ce propos est par ailleurs parfaitement retranscrit tant dans la composition que dans la production. Les riffs d’Au-dessus ont toujours cette justesse dans le choix des accords qui les composent, afin de décrire au mieux les sentiments qu’ils servent. C’est sans doute là que se situe la force principale de leur musique, la précision et la mesure au service de l’émotion. Et cette force est d’autant plus remarquable qu’elle est mise en avant par une production puissante et sans fioritures. Le mix est clair, vivant, lourd mais lisible, tous les instruments s’imbriquent à la perfection. Un vrai bijou d’ingénierie : l’alliance sans faille de la poésie humaine avec la précision de la machine, qui donne naissance à un disque d’ores et déjà à sa place dans les classiques du Post-Black Metal.
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