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Ceux qui suivent Enslaved depuis longtemps le savent, ces norvégiens sont souvent surprenants, étonnants, voire déroutants, et pourtant leur son est unique et reconnaissable entre mille. Cela s’est vérifié tout au long de leurs 30 ans de carrière et pas moins de 15 albums (soit un tous les 2 ans !!!). Le 9 octobre dernier sortait ainsi le nouveau venu de la tribu nordique Enslaved, Utgard !
Je ne vais pas vous cacher que j’ai eu la chance d’avoir dans les oreilles cet album très tôt, cet été pour être plus précis. Je dis ça car, comme souvent avec Enslaved, mais particulièrement avec cet album, j’ai été assez dérouté, ne sachant pas quoi en penser réellement.
Il faut dire qu’ils n’y vont pas de main morte avec les étrangetés à marier à la base black metal du combo, ce n’est pas nouveau, mais elles sont ici très présentes. On a, pêle-mêle, de nombreux passages avec la voix claire du batteur Iver Sandoy, un orgue dissonant pas inconnu pour Enslaved mais particulièrement mis en avant sur le titre Jettegryta, de nombreux passages plus calmes et contemplatifs qu’à l’accoutumée, et puis ce titre presque synthwave qu’est Urjotun. Tout cela mis ensemble à la sauce Enslaved, il ne faut pas oublier les nombreux breaks et cassures. La base black metal propre au son Enslaved reste bien présente même si peut être plus en retrait que par le passé récent, mais le titre Homebound suffira pour me contredire avec son riff d’intro Norvège certifiée. Pour résumer, après quelques premières écoutes on se dit que le groupe a beaucoup expérimenté, voire improvisé, et que tout ça a un peu de mal à se mettre en forme et aboutir à un tout cohérent.
Puis, après maturation du produit, on se prend à comprendre un peu mieux. Il faut laisser du temps pour se laisser porter par un titre comme Homebound, très rugueux sur le départ et si léger à l’arrivée. Il faut du temps pour apprécier à sa juste valeur cet ovni qu’est Urjotun qui à coup sûr va devenir un hit dans les salles, il n’y a qu’à voir sa version live qu’a délivré le groupe lors d’un event Youtube, psychédélique.
Et que dire de la cavalerie, cette fuite en avant, qu’est Flight of Thought and Memory, entre black metal et heavy prog. Les cassures de certains morceaux, surprenantes au début, deviennent évidentes (Jettegryta). Non, clairement, avec un peu d’effort et de maturation de l’écoute pour nombre de ces titres, le puzzle se met en place et on se laisse porter.
Une chose peut, peut-être, expliquer aussi ces différences avec les précédents efforts du groupe. C’est qu’ici, le concept de l’album s’articule autour de la Légende d’Utgard, la cité des géants, rare bataille que le puissant Thor a perdue au cours d’une aventure initiatique, lui apprenant la défaite (pourrait-on voir un lien entre le très voire trop sûr de lui dieu de la foudre et l’être humain ?). Là où les précédents opus portaient sur des thèmes faisant le concept, ici Enslaved est plus en narration. Cela m’explique pourquoi j’ai moins cette sensation de paysage, de concept plus global, ici les choses sont plus définies, précises, amenant d’ailleurs un album étonnamment court.
Pour conclure, on peut voir et entendre qu’Enslaved continue de faire comme bon lui semble, sans tomber dans la facilité, continue de tenter des choses, d’essayer d’ajouter des éléments qu’il affectionne dans son black metal (electro synthwave, rock psychédélique, structures déroutantes) quitte à accoucher de quelques titres plus faibles sans jamais s’éloigner d’un certain niveau de qualité et en délivrant des titres surprenants mais au final renversants.
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