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Je n’oublierai jamais cette soirée au Petit Bain, le 26 février 2019. J’étais venue voir Tribulation, que j’adore ; Gaahls Wyrd, en tête d’affiche, allait aussi marquer ma mémoire. Mais avant que n’apparaissent les fins génies suédois suivis du diable en personne, une très belle découverte s’est offerte à moi : quatre silhouettes à capuche noire baignant dans la clarté de la lune, et déversant un flot mélodieux et ensorcelant ; mais également des artworks sublimes… voilà qui avait de quoi me subjuguer et me donner envie de les connaître. Mais qui étaient donc ces fascinantes capuches ? C’était Uada. Un groupe de black Metal mélodique formé à Portland en 2014. Et Djinn est leur troisième opus, sorti sur le label Eisenwald le 25 septembre dernier.
Leurs deux premiers albums nous ont initiés à leur univers en nous faisant goûter l’étendue de leur talent : entre mélopées mélodieuses, fluides et sombres et chevauchées rugissantes et implacables, Uada s’était imposé naturellement, par la beauté d’une musique pleine et au grain fin, un art consommé et une connaissance des subtilités du Metal dans sa diversité qui ouvrait déjà de jolies perspectives. Influencés par des groupes majeurs tels que Mgla ou Dissection, Uada a su habilement les assimiler, et même les transcender. Et voici le dernier enfant.
A l’instar des djinns des légendes moyen-orientales, ces entités malfaisantes pouvant prendre diverses apparences, le Djinn de Uada exprime mieux que jamais le génie polymorphe de ses auteurs, avec un sens de la mélodie poussé plus loin qu’auparavant ; des riffs versatiles, tantôt vibrants, tantôt sonnants, tantôt grouillants, tantôt chantants, accompagnent une voix qui gronde, mugit, murmure ou vocifère. Après le style agressif et torturé de Cult of a Dying Sun, le chant se fait ici plus mouvant et plus spectral, et semble davantage incorporé à l’ensemble. Et l’on peut dire que chaque instrument tient brillamment sa partie, sur des compositions d’une inventivité renouvelée.
Notamment frontman, jusqu’en 2014, de l’excellent Ceremonial Castings, groupe de black-death symphonique, le grand sorcier Jake Superchi a déjà une belle expérience derrière lui. Figure de proue de Uada, il a mis plus de lui-même dans cet album que dans les précédents ; chanteur et guitariste, il a assuré également les claviers et les arrangements, et contribué à l’écriture des paroles. D’où, certainement, l’évolution du ton, moins farouche et plus cosmique, et la sensation d’une plus belle cohérence encore dans l’œuvre présente, où l’ennui est pour moi inexistant. Et pourtant, les précédents albums étaient déjà fabuleux.
Djinn, ce sont six morceaux substantiels qui s’étendent sur une heure de temps, riches de sons aussi éloquents que des images : des formes sombres aux reflets rutilants, des tourbillons de sable noir reflétant les lueurs changeantes d’un astre mourant… En les écoutant, ma tête s’emplit de cette harmonie de couleurs mêlées d’horreur dont la pochette, signée par le talentueux Kris Verwimp (Absu, Dark Forest), restitue à merveille l’esprit.
Que dire encore de ce bijou stellaire, si ce n’est que je le considère comme un sommet du groupe, un véritable accomplissement ? Avec Djinn, la discographie de Uada s’enrichit de formes nouvelles et élargit son univers, donnant plus que jamais l’image d’un groupe vivant et évolutif. Après lui, il y a fort à espérer qu’ils ne resteront pas en si bon chemin, et qu’après cette merveille, d’autres offrandes suivront, qui ne sauront tromper nos attentes que pour mieux nous surprendre.
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