Kax s’est énormément investie sur toutes les facettes du monde metal et a produit des oeuvres connues et reconnues. Entre autres, elle est à l’origine d’une superbe pochette d’un tribute français pour les célébres doomeux anglais de Cathedral, mais aussi Das Ich par exemple.
Les artworks sont pleins de détails absolument hypnotisants qui poussent à la fois à l’admiration et à la curiosité. Ces artworks sont déclinés en d’illustres affiches de concerts ou de festivals (Fall of Summer 2017, Winter Rising Fest, Forest Fest IX, X et XI …), allant même jusqu’à mêler l’affiche Metal in Franche Comté à l’image d’une distillerie dans lequel l’événement aurait du avoir lieu (crise sanitaire oblige). Cette dernière sera d’ailleurs relevée dans l’Est Républicain et des t-shirts reprendront aussi ce visuel. Notre galerie vous permettra de vous donner une idée de son portfolio, disponible en intégralité sur kax-arts.com
Bonjour Kax et merci de nous présenter tes créations ! Pour commencer peux-tu nous expliquer qui tu es et d’où tu viens ? Et quelle est l’origine de ton pseudo, qui apparaît d’ailleurs comme un logo black metal ?
Bonjour Murmur et bonjour à toute la communauté de l’Ars Goetia. Je m’appelle Kax, et je trouve que ce pseudonyme qui part d’un jeu de mots avec mon nom de famille sied parfaitement à la sombre bougre, la fille déshéritée de la vie que je suis. Concernant mon logotype, il est d’une platitude totale, je crois bien me souvenir que c’était une typo du net retravaillée rapidement (oui, c’est toujours les cordonniers les plus mal chaussés), car j’avais besoin de faire un dossier pour un gros groupe de black metal qui m’a lourdée comme un résidu de préservatif marque repère… Mais bizarrement, alors que rien ne l’avantageait au départ, il m’est désormais totalement indispensable et j’en suis plus que satisfaite.
Tu es très active, c’est très impressionnant : des affiches, des covers pour des groupes de renommée internationale (Das Ich, Cathedral), design dans un label connu Asgard Hass … On sent que ce n’est pas un passe-temps mais une vraie passion ! Comment t’est venue l’idée de te dédier corps et âme à ces arts sombres ?
Asgard Hass est le seul label pour lequel je travaille, car il est l’un des seuls qui me prend aux tripes. La plupart des prods du label ne font pas dans le beau, le bien léché, le proprement exécuté avec des jolies petites capuches bien repassées comme on subit depuis quelques années, et c’est tout ce que je demande. Je conçois à 666% qu’il y ait un public pour ça, mais je n’en fais pas partie – je respecte néanmoins le délire. Mais, personnellement, j’aime ce black metal purulent, intensément haineux, joué par des gens profondément détruits et autres prolétaires de la vie qui me font m’abaisser à une platitude mortelle. Plus ça crache férocement à la gueule des masses populaires en s’adressant à tous ceux à qui la nature n’a fait aucun cadeau, aux sans-grade, à ceux qu’on oublie aussitôt et aux destructeurs des principes moraux, plus cela m’apporte une certaine délivrance. Quand j’écoute du black metal, je veux avoir la même sensation que le piston de chair de Satan me taraudant le fourreau culier. Je veux que les limites de l’inacceptable soient encore repoussées.
Du coup, tout cela m’a amenée à rejoindre différentes associations avec des philosophies semblables à la mienne comme Horns of Desolation, qui organise le Winter Rising Fest, la Horde Sequane qui fait le Sequane et le Forest Fest, et en nettement moins ‘tvue’ mais tout aussi essentiel, Metal in Franche-Comté qui permet de propulser des groupes originaires de l’est de la France à une échelle plus dense. Toutes ces associations tenues d’une main de maître par leur président et bénévoles respectifs me permettent d’être connectée le plus souvent possible dans une scène que j’affectionne de toutes mes tripes et de tout mon chétif être.
Revenons sur les pochettes d’albums, comment on en arrive à réaliser les pochettes de groupes comme Das Ich ou Cathedral ? C’est toi qui les as contactés ? Tu leur présentais des prototypes régulièrement ?
Au tout début de l’avènement de MySpace et de ma découverte du black metal (grâce à mon amitié de plus de 18 ans avec Greg Person, de Möhrkvlth, à qui je dois véritablement tous les fondamentaux de ma culture sur la musique extrême), je contactais des groupes, comme Das Ich ou :wumpscut: par qui j’avais commencé, pour leur faire des artworks contre quelques piécettes sur Paypal. Avant d’écouter essentiellement du black metal, j’étais très à fond dans le Goth/EBM/Indus/Neue Deutsche Härte/Welle, et je faisais un peu le tour des zikos de ces courants là pour me faire connaître. De ces multiples appels aux collaborations, j’ai essuyé pas mal de refus – ce qui m’a marqué quelques rides d’amertume sur le visage – mais plus je bossais comme une folle en luttant avec l’énergie du désespoir, plus j’avais de clients et un foetus d’empreinte naissante dans ce milieu.
Pour le projet Cathedral, c’est Olivier (Amduscias) de Temple of Baal/Conviction qui m’a contacté pour savoir si j’étais intéressée à travailler dessus. Alors déjà, qu’une pointure de la scène extrême française me contacte (bien que nous étions en bonne entente sur Facebook), autant te dire que ma tronche s’est retrouvée déformée de rictus mongoloïdes et que mes yeux se sont révulsés ! Car je suis fan absolue de son travail et de ce qu’il représente, ce type est un génie comme on n’en fait plus dans ce monde et j’ai un respect immense pour sa personne. Alors en plus, pour un projet comme celui là, ça m’a donné de l’écume aux lèvres et je te promets qu’au soir même de sa proposition, je me suis retrouvée secouée de hoquets et j’ai vomi tout mon excédent de vin rouge d’excitation.
Intéressant ! et d’ailleurs aurais-tu d’autres anecdotes à nous confier ?
On va éviter de parler de tous ces moments de frustration ou de cernes bleuâtres de travail non plaisant pour mes baphométans, déjà… Une anecdote que j’aime à raconter, c’est quand je vois des protagonistes de la scène qui me racontent regarder souvent mes oeuvres et qui tentent de relever lors d’une soirée bien souvent alcoolisée tous les détails cachés (bien souvent à base de perches de chair et de grosses mamelles). Je passe un temps phénoménal à faire des tas de détails cachés blindés de friandises pour pervers, alors j’adore savoir que des néophytes du genre s’emparent studieusement d’une recherche approfondie sur mes petits tracés comportant des scènes de luxure. J’en pleurerais vraiment de joie !
Il me semble aussi que tu es mère d’animaux peu communs ?
Oui, ma préférence d’adoption n’est pas trop pour les bipèdes humanoïdes. Bien que maman de 3 chats et de quelques reptiles, je suis également mère d’un petit tas d’insectes et surtout de prédateurs invertébrés arthropodes plus communément appelés araignées.
Ceci révèle une image noire que tu affectionnes, peut-être un peu gothique ? Peux-tu nous parler de tes goûts musicaux ?
C’est certain que c’est très noir et gothique d’avoir des aranéides chez soi, dans tous les livres ou essais d’Edward Young, de Mary Shelley ou même de Dickens et Baudelaire (qui sont pour moi des piliers de la littérature gothique), on parle de ces octopèdes comme étant des créatures flippantes, malsaines et monstrueuses. Mais ce n’est pas cet aspect là qui me plaît chez elles.
Je me considère comme profondément féministe – pas vraiment le genre avec une coupe de cheveux taillée au rasoir avec des couleurs de fiente qui sont dans l’indignation perpétuelle – mais profondément féministe dans le sens où je pourrais passer ma vie à honorer tout ce qui est du sexe féminin car il n’y a rien de plus beau, plus féroce, plus à vif qu’une femme dans notre époque moderne. Et l’emblème animal du féminisme pour moi, c’est bien l’araignée. Ces conspuées, détestées et haïes par la plupart des êtres humains sur cette planète, moi, je les aime, je les honore, je leur voue une dévotion sans précédent alors que je sais parfaitement qu’elles se foutent de mon discours et de mes émotions. Je cracherai sur Athéna et j’embrasserai les pattes velues à la pilosité surabondante d’Arachnée. Leurs défauts que les canons esthétiques modernes ont définitivement oublié de rendre pardonnables, je les trouve d’une grâce inexprimable.
Pour les goûts musicaux, j’affectionne bien évidemment le black metal que je cite énormément ici, et en France on a la chance d’avoir des groupes comme Antaeus, Temple of Baal ou Merrimack qui sont de véritables pointures du genre et n’ont rien à envier aux norvégiens. Après, je ne base pas ma playlist uniquement là dessus, en ce moment j’écoute un peu en boucle Lucky Jim de The Gun Club qui se prête parfaitement à la morosité actuelle, mais aussi America’s Last Wanted d’Ugly Kid Joe qui me colle dans un groove total avant de commencer ma journée de taff et ensuite Gedanken Eines Vampirs d’Umbra et Imago qui est l’un des seuls albums au monde me donnant l’envie de m’asseoir sur des tabourets à l’envers en y passant au travers. Honnêtement, il n’y a rien de plus sexuel et démentiel que la voix de Mozart, le chanteur, sur ces 11 titres… Si vous aimez le goth, je vous conseille juste une écoute de Viva Lesbian pour être propulsé dans un monde de luxure et de débauche où même les rombières aux fessiers de grenouilles vous paraîtront comme de jeunes nymphettes blondes.
En discutant avec toi, je vois que tu es une personne qui aime aussi l’humour ?
L’humour vient tout seul à l’homme comme les poils au pubis, disait Desproges. J’ai une union fidèle à l’humour, j’espère que cela se sent un peu dans mon travail.
En ce qui concerne ta façon de travailler, et aussi par rapport à ton environnement, ta passion pour les bêtes velues ou écaillées, tes goûts musicaux, peux-tu nous révéler ton processus créatif ? Et aussi avec quel matériel tu travailles ?
C’est vraiment la question à laquelle il est le plus compliqué de répondre car je travaille d’une façon totalement désorganisée, je suis toujours comme un pantin désarticulé de chair avec le cerveau en éruption, c’est vraiment une honte et j’admire énormément les gens qui cadrent leur vie car la mienne est un foutoir incroyable. On va dire que le processus classique dans la musique, c’est le contact du quidam qui me demande un artwork en me faisant part de ses idées les plus enfouies, moi qui pense sur mon îlot de pudeur à un champ illimité de sucres d’orge à téter, quelques échanges plus tard et je lui envoie un crayonné blindé d’imperfections. On continue cette folle aventure en travaillant ensemble ce même crayonné pour en faire un travail finalisé dans lequel j’ai donné ce que je pouvais, c’est à dire toujours une petite partie de moi. Pour la question du matériel, je travaille avec Photoshop et Illustrator et mes propres brushes. Je fais aussi de l’original avec crayons de bois, pitt artist pens ou feutres pantone si on m’en demande.
Ça, c’est pour mon art… Pour mes bêtes, c’est tout le contraire. Je ne donne pas vie, je ne créée pas, là c’est bien tout l’inverse dont il est question alors la création de mes terrariums, la justesse des gestes pour leur donner la collation et leur maintien en captivité, tout est parfaitement orchestré.
Peux-tu nous parler de ta collaboration avec le label Asgard Hass ?
Astérix, c’est le genre de personnage que tu rencontres en plein concert ultra violent, où tu es entourée d’hommes ivres et bruyants avec une tendance prononcée à la sudation et aux cavités nasales enneigées, et où tout autour de toi s’arrête tant il est captivant. Ce mec est un véritable passionné, investi à fond dans la scène, et je serais incapable de dire si je l’ai adopté ou s’il m’a adoptée tant nos visions sont similaires sur énormément de choses (sauf pour la passion des dessins de femmes à poil sur des pochettes d’album, il déteste quand je fais ça hahaha). Quand il m’a proposé de rejoindre le label il y a un peu plus de deux ans suite à nos nombreuses discussions sur l’impact du black metal sur la scène franco-helvète, j’ai accepté direct, impensable pour moi de refuser une telle opportunité. J’espère juste lui apporter autant qu’il m’apporte.
Quel serait ton projet de rêve ? Et quelles seraient tes prochaines ambitions ?
J’aimerais bien organiser mon propre festival de tvue black metal mais Alain (le président de l’association la Horde Sequane) excelle déjà en la matière et le Forest Fest est devenu une pointure du vrai black metal comme je l’aime, alors je ne vois pas trop l’intérêt de faire de la concurrence déloyale à une équipe que j’apprécie énormément et pour qui je suis impliquée. Ici à la Frontière Suisse où je réside, la communauté underground est vraiment infime, c’est très compliqué d’organiser une date où alors il faut partir vers Metz, Colmar voire même en Suisse Alémanique.
Sinon après, dessiner des meufs à poil c’est mon ambition la plus grande et c’est ce que j’aime le plus. Si je pouvais choisir ma mort, ce serait celle de mourir étouffée par une immense mer mamelue de tétons piercés et de perches de chair proéminentes.
On n’est pas dans une période folichonne, et voit que les artistes souffrent particulièrement en ce moment. Peux-tu nous expliquer les impacts que la crise sanitaire actuelle ont eus sur ton travail et tes perspectives ?
Tu sais, je ne vais pas me plaindre et chouiner comme un tas de merde alors que je ne suis clairement pas à plaindre comparée aux intermittents, ayant un cachet fixe de directrice artistique en CDI dans une agence en plus de mon taff d’illustratrice freelance. La crise sanitaire actuelle m’a surtout privée de ces extras et ce n’est même pas l’aspect financier qui m’a flingué le moral, mais tout cet investissement que j’avais mis pour faire du merchandising, de la publicité en veux-tu en voilà, les contacts avec les groupes que je me réjouissais de voir sur scène pour me faire exploser la braguette, et tutti quanti. Mais ma situation, bien que déprimante, est loin d’être critique par rapport à mes amis intermittents qui sont les grands oubliés du gouvernement alors que ce sont des acharnés de boulot et qui collaborent plus que n’importe qui à l’avènement de la culture de ce pays.
En tout cas, au vu de ton talent, on te souhaite de tout cœur de trouver de superbes projets ! Souhaites-tu ajouter un dernier mot ?
Tu es trop chou, viens ici que je te lèche le lobe d’oreille ! Murmur est le démon de la philosophie dans l’Ars Goetia et je trouve que cela te va à ravir… Mais mon idôlatrie revient à Sitri et ses 70 légions, d’ailleurs s’il me lit, qu’il sache que je veux bien communier illico avec lui et ainsi satisfaire la chose velue qui se trouve au fond de votre slip.
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