(Attention, cette chronique contient quelques spoilers !)
Publié en 1897, il est indéniable que le comte Dracula inventé par Bram Stocker est véritablement immortel, tant on ne compte plus les adaptations sur petit et grand écran. Le mythe du vampire a encore de beaux jours devant lui et c’est au tour de deux monuments de l’art scénaristique de se relever les manches pour s’attaquer au comte le plus célèbre de Transylvanie, j’ai nommé Mark Gatiss et Steven Moffat.
Vous les connaissez sûrement (ou peut-être), car outre leur apport considérable ces dernières années à la série mythique Doctor Who, ces deux trublions anglais ont également œuvré dans le dépoussiérage d’oeuvres anglaises du XIXème siècle en leur donnant une nouvelle jeunesse au travers de mini-séries.
Mark Gatiss est scénariste et producteur, mais également acteur. On a pu notamment le voir dans Doctor Who, Jekyll, Game of Thrones, mais surtout dans la peau de Mycroft Holmes dans la mini série Sherlock.
Steven Moffat est quant a lui scénariste et créateur de séries. C’est à lui que l’on doit notamment Jekyll (d’après Dr Jekyll et Mister Hyde de Stevenson), l’excellent Sherlock (d’après les écrits de Conan Doyle) ainsi que la résurrection de Doctor Who en 2005, série de science-fiction mythique s’il en est, de 2005 (Christopher Eccleston) à 2017 (Peter Capaldi).
Tout cela pour arriver à quoi ? Et bien à Dracula. Je ne vous cache pas que lorsque j’ai entendu parler de l’adaptation de la légende de Dracula par Moffat et Gatiss via la BBC, mon sang n’a fait qu’un tour. Etant une immense fan à la fois de Doctor Who, Sherlock et de l’oeuvre de Bram Stocker, j’étais dans l’impatience la plus totale de goûter à ce dernier né.
On ne compte plus les adaptations de l’histoire du Comte, permettant aux réalisateurs de nombreuses excentricités. Dracula se situe entre l’horreur, la terreur et la beauté extatique d’un amour traversant les siècles. De l’expressionniste Nosferatu de Murnau (1922) à Dracula Untold de Gary Shore (2014) en passant bien évidemment par le sublime Dracula de Francis Ford Coppola (1992), la barre était haute pour les deux scénaristes.
Sortie sur Netflix le 1er janvier 2020, cette mini série compte trois épisodes d’une durée moyenne de 90 minutes. Elle débute sur l’histoire effroyable de William Harker (John Heffernan), réfugié dans un couvent d’Europe de l’est et en piteux état, qui raconte à deux nonnes l’histoire de sa rencontre avec Dracula. Envoyé de Londres pour convenir d’une vente de bien immobilier, le pauvre Harker se retrouve pris au piège du vampire.
Et dès le début, la déception se fait sentir.
Sans y aller par quatre chemins, Dracula, interprété par l’acteur danois Claes Bang reste sans saveur. Il incarne un comte balourd, dont les blagues (mauvaises) tombent à plat et manquent cruellement de charisme et de grandeur. Pas vraiment effrayant, ni menaçant, nous avons face à nous un genre de caricature de vampire, sans que cela ne soit réellement voulu. Certes, les victimes sont nombreuses et le gore est de mise, mais le rôle oscille tout le long entre le « trop » et le « pas assez ».
Le second point de grosse déception, ce sont les effets spéciaux. Alors certes, nous étions habitués aux effets carton-pâte de Doctor Who, qui finalement contribuaient à la patine spéciale de l’oeuvre et s’inscrivaient dans une grande tradition de séries SF un peu faites à l’arrache mais ô combien mythiques et grandioses comme Star Trek ou Cosmos 1999 ! Mais transposé sur un support tel que Dracula, le grandiose devient vite grotesque et frôle parfois le ridicule. La frontière est mince entre le bizarre glaçant et l’absurde pathétique qui vire au drôle. Gatiss et Moffat s’y engouffrent joyeusement.
Seule Van Helsing (Dolly Wells) parvient quelque peu à sauver le tout grâce à sa verve (très Sherlockienne cependant…) et son rôle de nonne agnostique, bien que le changement de genre de l’ennemi numéro un du comte soit cousu de fil blanc dès le début. Le reste des personnages est malheureusement bien malmené et à la vue d’une Mina (Morfydd Clark) inexistante et fadasse (et mon dieu quelle perruque moche !), on se rappellera avec émotion de l’incroyable Irene Adler (Lara Pulver) ou l’impeccable et cynique Moriarty (Andrew Scott) de Sherlock. Ou encore Mary Watson. Ou Hooper… bref pick any Sherlock characters you want…
Comment, après nous avoir vendu des personnages aussi emblématiques, Gatiss et Moffat ont pu tomber aussi bas dans le manque d’inspiration et la bassesse d’adaptation ?!
Et puis, tout bascule à la toute fin de l’épisode 2, traînant en longueur et nous expliquant comment Dracula massacre l’équipage du Demeter et comment Van Helsing réussit à venir à bout du vampire en faisant exploser le vaisseau.
Après de longues années de sommeil, Dracula sort enfin de l’eau et est assailli par une armée d’hélicoptères et… Van Helsing.
On espère donc le meilleur pour ce troisième épisode, bien que le portage à l’époque actuelle ne soit définitivement pas une surprise, tendant même à devenir une marque de fabrique du duo anglais.
Et puis… on attend. On espère, et finalement, force est de constater au bout de trois bon quart d’heures que cette série n’est pas réussie. Claes Bang est toujours aussi ridicule et à côté de la plaque et l’on découvre une Lucy clubbeuse (Lydia West) plutôt convaincante mais dont la fin vire vite au mauvais film de série B (j’aimerais savoir où me procurer le body suit de crémation d’ailleurs).
Encore une fois, je peux comprendre un parti pris plutôt cheap et en carton, ainsi qu’une écriture bien tirée par les cheveux, ce dont le duo anglais est plutôt friand. Mais pour que l’alchimie fonctionne, les acteurs doivent être au summum et le scénario impeccable. Ce n’est malheureusement pas le cas avec cette adaptation de Dracula, dont l’idée était plutôt bonne même si déjà vue.
Gatiss et Moffat nous ont habitués à beaucoup mieux.
Vous l’aurez compris, pour moi la série tombe complètement à côté malgré une bonne volonté de ma part dès le départ. Acteurs moyens, Dracula pas à la hauteur, effets spéciaux scandaleusement bas et tirage de cheveux scénaristiques, tout cela va trop loin.
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