(discussion pré interview – AG : La première fois que je vous ai vus sur scène, c’était en 2017, au Netherlands Deathfest, dans la salle Patronnat, tellement atypique avec son parquet et ses vitraux religieux.
A – on se souvient bien de ce concert, c’était incroyable. On connaissait le festival mais on pensait que c’était trop extrême pour nous. Et puis notre bassiste leur a envoyé une lettre manuscrite. On ne pensait pas du tout qu’ils allaient nous programmer et en fait un groupe a annulé et ils nous ont bookés !
T – Ce concert on s’en souvient bien. On avait fait les trois jours de festival et de finir en jouer c’était génial. Et puis on est toujours heureux d’aller aux Pays-Bas, on y a beaucoup joué depuis le Roadburn 2014 et on est toujours très bien accueillis. Et en plus les équipes techniques là bas sont géniales.
A – C’est pareil avec la Suisse, on y a beaucoup joué et on y a un bon public.)
AG : Pourquoi le black metal comme choix musical ?
A – Parce ce que c’est le vecteur. Ce n’est pas forcément un choix à la base
T – C’est juste une évidence. On voulait une musique qui soit à la hauteur des émotions qu’on veut véhiculer, qui fasse aussi catharsis par rapport à tout ce qu’on a envie d’exprimer, et le black c’était évident
A – Nous on est un peu blasphématoires dans notre approche du black metal car c’est une scène extrêmement conservatrice dont on n’a pas forcément respecté les codes, on est arrivés avec notre manière sans connaître personne, avec juste notre détermination et notre rage de réussir, et j’en suis fier car c’est dur d’avoir un groupe quand tu n’as aucune connexion à la scène et quand on a commencé on ne connaissait personne, mais vraiment personne – et c’est encourageant de se dire que même un OVNI qui débarque peut y arriver
Pour revenir à la question, je suis hyper respectueux de cette musique, c’est celle que j’écoute le plus et c’est la musique qui nous permet d’exprimer ce qu’on veut. On ne s’inscrit pas dans les gens qui vont théoriser le black metal et dire « je veux faire ca ». Nous c’est l’inverse.
AG : quelle est votre principale source d’inspiration ?
T – une volonté de créer, tout simplement. Un côté exhutoire, l’obligation de donner un sens à une distance
A – c’est ca, une obligation. Marquer notre place dans le cosmos. je pense que ce qui restera sur terre pour l’éternité ce sont les oeuvres artistiques. Il y a une phrase de Magma qui dit : « et les chants de ce peuple étaient si beaux qu’ils s’évanouirent dans l’espace », je trouve ca intéressant, il ya une sorte de résonance, la musique ca s’inscrit dans l’éternité
T – on n’a pas vraiment le choix en fait, on fait énormément de compromis par rapport à notre vie de couple, par rapport à plein de trucs, on vit comme des pirates, en vrai c’est hyper chiant d’être musiciens ! on est tout le temps sur la route, il faut gérer le boulot à côté, mais on le fait pour un absolu car les moments sur scène sont des moments de partage et d’absolution
AG : cette notoriété qui s’affirme a t’elle une influence sur votre inspiration, votre créativité, …
A – c’est une pression. Quelqu’un nous avait dit : quoi qu’il arrive, votre prochain album marchera vu la renommée du groupe actuelle en France. Sauf que nous on s’en moque. On est hyper exigeants avec nous-mêmes. On en a beaucoup parlé ensemble et on ne veut pas de compromis. Si ca ne nous plait pas, on ne le fait pas. On ne sort un album que parce qu’on est satisfaits du truc.
T – on a beaucoup d’humilité, on sait d’ou on vient, de l’underground pur et dur, on a eu chacun mille groupes avant, on a joué dans des bars de merde, on a beaucoup de respect pour ce parcours et on ne veut pas péter plus haut que notre cul. Si ca plait tant mieux, si ca ne plait pas tant pis, mais en tout cas on le fait pour nous.
AG : c’est clair que l’album sonne authentique
T – merci, c’est le but qu’on recherchait
AG : vous jouez et composez du black metal. D’autres univers musicaux ?
A – c’est le genre que j’écoute le plus, depuis plusieurs années, mais on écoute tous des choses très différentes. J’écoute beaucoup de jazz, beaucoup Magma qui est un groupe extrêmement riche, …
T – du black bien sur mais pas que. Je suis un grand fan de Loreena McKennitt, je peux écouter du Rose Tattoo, avec une préférence particulière pour toute la vague post punk, goth des années 80, qui m’a beaucoup marquée
AG : est ce que la littérature, le cinéma, vous influencent ?
A – oui. On est pas mal dans le groupe a beaucoup lire, c’est qqch d’important. Je suis aussi passionné d’histoire. La religion, l’ésotérisme, ca va nous influencer.
Notre batteur réalise des clips. On adore le cinéma français et sur la route on adore regarder des films car c’est intéressant.
Je suis en train de relire « Voyage au bout de la nuit » de Céline. La littérature aussi fait vraiment partie de nos influences.
T – on est tous assez lecteurs, Ma dernière grosse claque c’est « Belle du Seigneur » d’Albert Cohen. Ca m’a retourné.
AG : D’autres passions ?
A – le sport, soulever de la fonte
T – et pas mal de randonnée
AG : Comment voyez-vous l’évolution du black metal ?
A – vaste question …La scène black metal est extrêmement populaire en ce moment et c’est je pense car on est sortis de l’élitisme des années 90 avec la vague norvégienne pour qqch d’un peu plus démocratisé – et ca c’est démocratisé car c’est une musique qui touche à l’absolu, qui touche vraiment le grand public
T – oui qui touche chacun
A – et il y a maintenant une créativité particulièrement en Europe mais aussi aux Etats-Unis qui est vraiment intéressante. La scène est plus vivace actuellement
Il y a aussi toute la scène liée au death/black metal. Outre les vieux, un groupe récent qui m’a beaucoup marqué c’est Bölzer. Le dernier album est incroyable, le EP est fabuleux. C’est le genre de trucs qui m’inspirent énormément.
J’en ai un peu marre du côté ouin ouin des années 90 ou les mecs étaient mal dans leur peau. On vit une époque difficile et il y a qqch de positif sur la solarité
T – sur la posture
A – face au divin il y a qqch qui t’emporte. Personnellement ca m’inspire beaucoup quand j’écris des morceaux
AG : cette nouvelle vague de black Atmo, ambiant, post, peu importe n’a t’elle pas tendance à adoucir un genre contestataire au départ puis devenu agressif et blasphématoire
A – totalement !
T – il n’y a pas besoin de mettre des cadres sur le groupes, moi je m’en fous
A – moi j’ai toujours refusé le terme post black metal même si je peux le comprendre car comme je le disais en préambule on était un peu un OVNI. On ne voulait s’inscrire dans une scène en particulier, ce qui n’a rien à voir avec ceux qui veulent faire du black metal car alors tu adoptes une posture et sais ou tu veux aller. La scène post black metal me pose un problème car je trouve qu’elle cherche a édulcorer le style pour en faire un truc un peu gentil.
Quand j’étais ado, j’écoutais du death et du post hardcore, et pas de black car je trouvais que j’avais déjà le degré de violence nécessaire. Je suis venu au black metal avec le groupe ukrainien Drudkh – l’album « Blood in our Wheels » a changé ma vie. Drudkh avait une approche un peu plus atmosphérique et c’est ce qui m’a plu au départ. J’y suis venu avec cette frange et j’ai remonté le courant.
C’est pour ca que le post black metal avec cette attitude a vouloir un peu édulcorer la musique …. Le black metal c’est méchant par essence et sans compromis,
T – oui c’est extrême. Ce qui est à retenir c’est qu’on n’est pas sur une posture quand on joue. Sur scène on est vraiment nous-mêmes, on ne joue pas un rôle et ca reste intense. Notre démarche est hyper sincère
A – voilà. C’est pour ca qu’on refuse un peu l’étiquette. « Ascension » c’est du black metal, point barre
AG : L’image du black sale, satanique, … c’est toujours viable ?
A – oui et non. Dans le Black metal tu as toujours ce carcan satanisme (même si Immortal n’a jamais parlé de Satan) mais le black il y a forcément qqch de religieux au sens large. Quand tu penses Drudkh c’est à travers l’histoire de l’Ukraine et de la nature, il y a une certaine vénération de ça.
Ensuite ce sera toujours lié à Satan qu’on le veuille ou non. Moi ca ne me pose aucun problème
T – mais Satan comme métaphore. La libération par la chute, …
Satan n’existe pas, ca dépend de ce que les gens veulent y mettre
A – si je voulais aller plus loin, je dirais que pour être vraiment méchant le black devrait s’attaquer à l’islam maintenant. Dieu ne fait plus peur à personne en Europe. Si tu veux vraiment choquer, il faut aller plus loin. mais faut assumer (rires)
T – il y a un groupe Syrien qui a les couilles de faire du black comme ca sur place !
AG : vers quelle voie se dirige ce sous-genre ?
A – c’est qqch en explosion, il se passe plein de trucs en ce moment, il y a plein de cross over … je ne sais pas
maintenant il y a une grande montée du fascisme dans le black metal en particulier en Europe de l’Est et moi le black metal politique ca me fait chier car pour moi cette musique s’intéresse aux individus et à partir du moment ou tu fais un truc fasciste c’est que tu t’intéresses à la masse et c’est l’antithèse du black metal pour moi
sinon l’évolution je ne sais pas, il y a de plus en plus de trucs intéressants en France
T – oui la scène est riche
AG : et votre évolution à vous ?
T – c’est un peu le public qui va décider, ce qu’il faut retenir c’est qu’on a vraiment mis nos tripes dans cet album, on l’a investi de façon purement cathartique
après est ce que ca plaira aux gens c’est pas à nous de décider mais nous, il nous plait et c’est le principal
A – oui on a pu exorciser tout ce qu’on voulait
je pense que pour jouer cette musique il faut y croire, il faut avoir une part sombre en soi mais ca ne se résume pas qu’à ca. Il y a une rage en nous et il faut avancer par rapport à ça
Amdusias
Interview réalisée au bar “Hellfest Corner” à Paris
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